La musique, cet art universel, recèle encore bien des secrets. Au-delà des instruments classiques que vous connaissez probablement déjà, il existe un monde fascinant d'instruments insolites, chacun avec sa propre histoire et son timbre unique. Ces créations musicales, souvent méconnues du grand public, offrent des possibilités sonores extraordinaires et témoignent de l'ingéniosité humaine en matière de création musicale. Que vous soyez musicien chevronné ou simple mélomane, embarquez pour un voyage sonore à travers des instruments qui défient l'imagination et repoussent les frontières de la musique traditionnelle.
Instruments aérophones insolites : du didgeridoo au fujara
Les instruments aérophones, qui produisent du son grâce à la vibration de l'air, regorgent d'exemples fascinants et peu communs. Ces instruments, souvent profondément ancrés dans les traditions culturelles de leurs régions d'origine, offrent des sonorités uniques qui enrichissent le paysage musical mondial.
Le didgeridoo aborigène : technique du souffle continu
Le didgeridoo, instrument emblématique des Aborigènes d'Australie, est sans doute l'un des aérophones les plus reconnaissables au monde. Ce long tube en bois, traditionnellement fabriqué à partir d'eucalyptus évidé par les termites, produit un son profond et vibrant. La particularité du didgeridoo réside dans la technique de jeu appelée souffle continu , qui permet au musicien de produire un son ininterrompu pendant plusieurs minutes.
Cette technique complexe nécessite une maîtrise parfaite de la respiration circulaire. Le joueur inspire par le nez tout en expulsant l'air stocké dans ses joues, maintenant ainsi un flux d'air constant dans l'instrument. Le didgeridoo est utilisé dans la musique traditionnelle aborigène, mais il a également trouvé sa place dans des genres musicaux contemporains, du jazz à la musique électronique.
Le fujara slovaque : flûte harmonique à trois trous
Moins connu que le didgeridoo mais tout aussi fascinant, le fujara est un instrument traditionnel slovaque. Cette flûte verticale, qui peut atteindre jusqu'à 1,8 mètre de long, se caractérise par ses trois trous de jeu et son embouchure latérale. Le fujara produit des sons graves et mélodieux, avec une riche palette d'harmoniques.
Originaire des régions montagneuses de Slovaquie centrale, le fujara était traditionnellement joué par les bergers. Sa sonorité unique et sa technique de jeu particulière en font un instrument prisé des musiciens folk et world music. Le fujara a été inscrit en 2005 sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO, témoignant de son importance culturelle.
Le shofar hébraïque : corne de bélier rituelle
Le shofar, instrument à vent d'origine hébraïque, occupe une place particulière dans la tradition juive. Fabriqué à partir d'une corne de bélier, de chèvre ou d'antilope, le shofar est utilisé principalement lors de cérémonies religieuses, notamment pendant Rosh Hashana et Yom Kippour.
La technique de jeu du shofar est unique : le musicien doit produire des sons puissants et clairs en soufflant dans l'embouchure naturelle formée par la pointe de la corne. Les sons du shofar, appelés tekiah , shevarim et teruah , ont chacun une signification symbolique dans la liturgie juive. Bien que principalement utilisé dans un contexte rituel, le shofar a également inspiré des compositeurs contemporains qui l'ont intégré dans des œuvres de musique classique et expérimentale.
Le erhu chinois : vièle à deux cordes et archet coincé
Bien que techniquement un instrument à cordes, le erhu mérite une mention dans cette section pour sa sonorité aérienne unique. Cet instrument traditionnel chinois, souvent appelé "violon chinois", se compose d'une caisse de résonance cylindrique recouverte de peau de serpent et de deux cordes tendues sur un long manche.
La particularité du erhu réside dans son archet, qui est inséré entre les deux cordes. Cette configuration unique permet au musicien de jouer sur les deux cordes simultanément, produisant des sons qui évoquent la voix humaine. Le erhu est capable d'exprimer une large gamme d'émotions, de la mélancolie la plus profonde à la joie la plus vive. Son timbre distinctif en fait un instrument essentiel de la musique traditionnelle chinoise et un favori des compositeurs de musique de film.
Percussions atypiques du monde entier
Les instruments de percussion offrent une diversité sonore incroyable, allant des rythmes les plus simples aux mélodies les plus complexes. Parmi cette vaste famille d'instruments, certains se distinguent par leur conception unique et leurs sonorités inhabituelles. Découvrons ensemble quelques-unes de ces percussions atypiques qui enrichissent le paysage musical mondial.
Le hang suisse : instrument de percussion mélodique
Le hang, inventé en Suisse au début des années 2000, est un instrument de percussion mélodique qui a rapidement conquis les musiciens du monde entier. Sa forme distinctive, ressemblant à deux woks soudés ensemble, lui confère une apparence futuriste. Le hang est fabriqué en acier nitruré et comporte plusieurs zones de frappe accordées à différentes notes.
Le jeu du hang se fait principalement avec les mains et les doigts, permettant une grande expressivité. Les sons produits sont à la fois percussifs et mélodieux, avec une résonance riche et envoûtante. Le hang a trouvé sa place dans divers genres musicaux, de la musique new age à la world music, en passant par le jazz et la musique électronique.
Le hang est un instrument qui invite à la méditation et à l'introspection. Sa sonorité unique semble transcender le temps et l'espace, offrant une expérience musicale profondément immersive.
Le waterphone américain : bol sonore aquatique
Le waterphone, inventé par Richard Waters dans les années 1960, est un instrument de percussion acoustique qui produit des sons étranges et éthérés. Il se compose d'un bol en acier inoxydable avec un tube résonateur au centre et des tiges métalliques de différentes longueurs autour du bord. L'instrument est partiellement rempli d'eau, d'où son nom.
Le waterphone se joue en frappant ou en frottant les tiges avec des baguettes, des archets ou les mains. L'eau à l'intérieur du bol modifie constamment la résonance, créant des effets sonores uniques et imprévisibles. Ces qualités sonores particulières ont fait du waterphone un instrument prisé pour les bandes sonores de films, en particulier dans les genres de l'horreur et de la science-fiction.
Le udu nigérian : pot en argile transformé en instrument
Le udu est un instrument de percussion originaire du Nigeria, traditionnellement joué par les femmes Igbo. Il s'agit essentiellement d'un pot en argile avec un trou supplémentaire sur le côté. Le udu était à l'origine un simple récipient pour transporter l'eau, mais il a été transformé en instrument de musique en exploitant ses qualités acoustiques.
Pour jouer du udu, le musicien frappe les différentes parties du pot avec les mains, produisant une variété de sons basses et aigus. Le trou latéral permet de créer des effets de basse profonde lorsqu'il est frappé avec la paume. Le udu est souvent utilisé dans la musique traditionnelle africaine, mais il a également trouvé sa place dans la musique contemporaine, apprécié pour sa sonorité unique qui combine des qualités percussives et mélodiques.
Cordophones rares : entre tradition et innovation
Les instruments à cordes, ou cordophones, constituent une vaste famille qui ne cesse de s'enrichir de nouvelles créations. Certains de ces instruments, bien que moins connus du grand public, offrent des possibilités sonores fascinantes et des techniques de jeu uniques. Explorons ensemble quelques-uns de ces cordophones rares qui allient tradition et innovation.
La scie musicale : lame flexible et archet
La scie musicale, également connue sous le nom de lame sonore, est un instrument atypique qui transforme un outil de menuiserie en un véritable instrument de musique. Il s'agit d'une scie à main flexible, généralement sans dents, que le musicien courbe pour créer différentes notes et joue avec un archet.
La technique de jeu de la scie musicale est particulièrement délicate. Le musicien tient le manche de la scie entre ses genoux et courbe la lame avec une main tout en la frottant avec l'archet de l'autre. En modifiant la courbure de la lame, le joueur peut produire différentes notes, créant ainsi une mélodie. Le son produit est étonnamment doux et éthéré, souvent comparé à une voix humaine ou à un theremin.
La scie musicale a connu son heure de gloire au début du 20e siècle dans le vaudeville et la musique populaire. Aujourd'hui, elle reste appréciée dans certains genres musicaux, notamment la musique folk et expérimentale, et apparaît occasionnellement dans des bandes sonores de films pour son timbre unique.
Le thérémine : instrument électronique sans contact
Le thérémine, inventé en 1920 par le physicien russe Léon Theremin, est un instrument électronique unique en son genre. Il se distingue par le fait qu'il est joué sans aucun contact physique, ce qui en fait l'un des premiers instruments de musique électronique de l'histoire.
Le thérémine se compose d'un boîtier électronique équipé de deux antennes : une verticale pour contrôler la hauteur du son, et une horizontale pour le volume. Le musicien contrôle l'instrument en déplaçant ses mains dans l'air autour des antennes, interférant avec les champs électromagnétiques qu'elles génèrent. Plus la main droite s'approche de l'antenne verticale, plus le son devient aigu. De même, plus la main gauche s'approche de l'antenne horizontale, plus le volume diminue.
Le son produit par le thérémine est caractéristique : une sonorité pure et éthérée, souvent comparée à une voix humaine ou à un instrument à cordes frottées. Cet instrument a été utilisé dans divers genres musicaux, de la musique classique contemporaine à la musique de film, en passant par le rock progressif et la musique électronique expérimentale.
Le nyckelharpa suédois : vielle à clés scandinave
Le nyckelharpa, ou "harpe à clés" en français, est un instrument traditionnel suédois qui combine des éléments de la vielle à roue et du violon. Cet instrument à cordes frottées possède un système unique de clés en bois qui, lorsqu'elles sont pressées, modifient la longueur des cordes pour produire différentes notes.
Le nyckelharpa moderne comporte généralement 16 cordes : 3 cordes mélodiques, une corde bourdon et 12 cordes sympathiques qui vibrent en résonance avec les notes jouées. L'instrument se joue en position verticale, reposant sur la poitrine du musicien et maintenu par une sangle. L'archet frotte les cordes mélodiques tandis que la main gauche actionne les clés pour changer les notes.
Le son du nyckelharpa est riche et complexe, combinant la chaleur du violon avec la résonance des cordes sympathiques. Bien qu'il soit principalement associé à la musique traditionnelle suédoise, le nyckelharpa connaît un regain d'intérêt dans d'autres genres musicaux, notamment la musique folk contemporaine et la musique ancienne.
Instruments électroniques et numériques innovants
L'ère numérique a ouvert de nouvelles possibilités dans le domaine de la création musicale, donnant naissance à des instruments électroniques innovants qui repoussent les limites de l'expression musicale. Ces instruments, souvent à la croisée de la musique et de la technologie, offrent aux musiciens des moyens inédits d'explorer le son et l'interactivité.
Le tenori-on de yamaha : interface lumineuse interactive
Le Tenori-on, développé par Yamaha en collaboration avec l'artiste médiatique Toshio Iwai, est un instrument électronique unique qui combine musique et arts visuels. Il se présente sous la forme d'une grille carrée de 16x16 boutons lumineux, chacun pouvant être activé pour produire des sons et des motifs lumineux.
L'interface du Tenori-on permet aux musiciens de créer des séquences musicales complexes en "dessinant" des motifs sur la grille. Chaque ligne horizontale représente une note différente, tandis que les colonnes représentent le temps. Lorsqu'un bouton est activé, il s'illumine et produit un son au moment où la séquence l'atteint, créant ainsi une représentation visuelle fascinante de la musique en train d'être jouée.
Le Tenori-on offre plusieurs modes de jeu, permettant de créer des boucles, des arpèges, des accords et des effets sonores variés. Sa nature intuitive et visuelle en fait un instrument apprécié tant par les musiciens professionnels que par les débutants, et il a trouvé sa place dans divers genres musicaux, de l'électronique expérimentale à la pop.
Le reactable : table de mixage tangible et visuelle
Le Reactable est un instrument de musique électronique collaboratif développé par un groupe de chercheurs de l'Université Pompeu Fabra de Barcelone. Il se présente sous la forme d'une table ronde interactive sur laquelle les utilisateurs peuvent placer et manipuler des objets physiques pour créer et contrôler des sons en temps réel.
Chaque objet placé sur la table représente un élément sonore différent : oscillateurs, filtres, séquenceurs, etc. En déplaçant ces objets, en les faisant pivoter ou en les connectant entre eux, les utilisateurs peuvent créer des compositions musicales complexes. La surface de la table sert également d'écran
sur laquelle sont projetées des informations visuelles, créant ainsi une expérience musicale immersive et intuitive.
Le Reactable permet une création musicale collaborative, plusieurs personnes pouvant interagir simultanément avec l'instrument. Son interface visuelle et tangible le rend accessible aux musiciens de tous niveaux, tout en offrant des possibilités de création sonore très avancées. Il a été notamment utilisé par des artistes renommés comme Björk, qui l'a intégré dans sa tournée mondiale en 2007.
L'eigenharp : contrôleur MIDI multi-expressif
L'Eigenharp est un instrument de musique électronique développé par la société britannique Eigenlabs. Il se présente sous la forme d'un long manche équipé de multiples capteurs et contrôles, offrant une expressivité musicale inégalée pour un instrument numérique.
L'Eigenharp combine plusieurs interfaces de jeu : des touches sensibles à la pression disposées le long du manche, un ruban sensible au toucher pour les effets de glissando, des boutons de contrôle, et même un capteur de souffle. Cette configuration permet au musicien de contrôler simultanément de nombreux paramètres sonores, offrant une expressivité comparable à celle des instruments acoustiques.
L'instrument peut être programmé pour émuler divers instruments ou pour créer des sons entièrement nouveaux. Sa polyvalence en fait un outil précieux pour les compositeurs et les interprètes de musique électronique, permettant des performances live complexes et dynamiques.
Instruments hybrides et expérimentaux
À la frontière entre l'acoustique et l'électronique, entre l'art sonore et la musique traditionnelle, se trouvent des instruments fascinants qui défient toute classification. Ces créations uniques repoussent les limites de ce que nous considérons comme un instrument de musique, ouvrant de nouvelles voies d'expression artistique.
Le cristal baschet : sculpture sonore à tiges de verre
Le cristal Baschet, inventé par les frères Bernard et François Baschet dans les années 1950, est à la fois un instrument de musique et une sculpture sonore. Il se compose de tiges de verre frottées avec les doigts mouillés, connectées à un amplificateur acoustique en métal. Le son produit est éthéré et cristallin, d'où son nom.
La particularité du cristal Baschet réside dans sa conception qui unit forme et fonction. Les différentes parties de l'instrument, y compris les grands cônes métalliques qui servent de diffuseurs sonores, sont conçues pour être visuellement frappantes tout en contribuant à la production et à la diffusion du son.
Le cristal Baschet a été utilisé dans divers contextes musicaux, de la musique contemporaine aux bandes sonores de films. Il est également apprécié pour ses qualités thérapeutiques, son timbre unique étant considéré comme apaisant et méditatif.
L'octobasse : contrebasse géante de Jean-Baptiste vuillaume
L'octobasse est un instrument à cordes monumental créé par le luthier français Jean-Baptiste Vuillaume en 1850. Mesurant plus de 3,5 mètres de haut, c'est essentiellement une contrebasse géante conçue pour produire des sons extrêmement graves.
En raison de sa taille, l'octobasse ne peut être jouée de manière conventionnelle. Le musicien doit utiliser un système de leviers et de pédales pour appuyer sur les cordes, tandis que l'archet est manié à deux mains. L'instrument produit des notes si basses qu'elles sont à la limite de la perception auditive humaine, créant autant une sensation physique qu'un son audible.
Bien que rarement utilisée en raison de sa taille et de sa complexité, l'octobasse fascine les musicologues et les compositeurs. Quelques exemplaires existent dans des musées, et certains compositeurs contemporains ont écrit des pièces spécifiquement pour cet instrument unique.
Le sharpsichord : piano mécanique à roue de henry dagg
Le sharpsichord, créé par l'ingénieur du son et musicien britannique Henry Dagg, est un instrument hybride qui combine des éléments du piano, de la vielle à roue et de la boîte à musique. Il se présente sous la forme d'une grande structure métallique en forme de croissant, équipée d'une roue rotative et de multiples cordes.
Le principe de fonctionnement du sharpsichord est unique : une grande roue, actionnée manuellement ou par un moteur, fait tourner un cylindre sur lequel sont fixées des épingles. Ces épingles, disposées selon un motif précis, viennent pincer les cordes au passage, produisant ainsi une mélodie. Le musicien peut modifier la mélodie en changeant la position des épingles sur le cylindre.
Le son produit par le sharpsichord est à la fois mécanique et organique, rappelant celui d'une boîte à musique géante. Cet instrument fascinant a été utilisé par plusieurs artistes, notamment Björk, qui l'a inclus dans son album "Biophilia" en 2011.
Le sharpsichord de Henry Dagg illustre parfaitement comment l'innovation dans la conception d'instruments peut naître de la fusion entre des technologies anciennes et modernes, créant des sonorités uniques qui enrichissent notre paysage musical.
Ces instruments hybrides et expérimentaux témoignent de la créativité sans limite des facteurs d'instruments et des musiciens. Ils nous rappellent que la musique est un domaine en constante évolution, où l'innovation technique peut ouvrir de nouvelles voies d'expression artistique. Que ce soit à travers la réinvention d'instruments traditionnels ou la création de concepts entièrement nouveaux, ces créations sonores continuent de repousser les frontières de notre compréhension de la musique et du son.